Le 10 avril 2016, le monde du cyclisme a été témoin d’une édition légendaire de Paris-Roubaix, une course souvent surnommée « l’Enfer du Nord » en raison de ses pavés impitoyables et de son parcours exigeant. Cette 114e édition, qui s’est déroulée sur 257 kilomètres entre Compiègne et le vélodrome de Roubaix, a offert un spectacle d’une intensité rare, marqué par des rebondissements, des chutes dramatiques et une arrivée inattendue. Retour sur une journée qui restera gravée dans les annales.
Les favoris : un plateau de stars
Avant le départ, les regards étaient tournés vers plusieurs cadors du peloton. Tom Boonen, le Belge quadruple vainqueur de Paris-Roubaix (2005, 2008, 2009, 2012), était l’un des grands favoris. Malgré une saison 2015 en demi-teinte, il rêvait d’une cinquième victoire pour dépasser le record qu’il partageait avec Roger De Vlaeminck. Son rival de toujours, Fabian Cancellara, était également au centre de l’attention. Le Suisse, triple vainqueur (2006, 2010, 2013), disputait sa dernière saison avant la retraite et voulait marquer les esprits une dernière fois sur les pavés.
Peter Sagan, champion du monde en titre, arrivait en pleine confiance après ses victoires à Gand-Wevelgem et au Tour des Flandres la semaine précédente. À seulement 26 ans, le Slovaque était au sommet de sa forme et faisait figure de sérieux prétendant. D’autres coureurs, comme Sep Vanmarcke, Alexander Kristoff ou encore Zdeněk Štybar, étaient également attendus, tandis que le tenant du titre, John Degenkolb, et Greg Van Avermaet, tous deux blessés, manquaient à l’appel.
Chapitre 1 : Un départ sous tension à Paris Roubaix 2016
Le 10 avril 2016, à 10h40, le peloton s’élance de Compiègne sous un ciel dégagé. Les 257 kilomètres de course, dont 52,8 kilomètres de secteurs pavés, promettent une bataille acharnée. Dès les premiers kilomètres, la tension est palpable : il faut attendre 1h30 pour qu’une échappée de 14 coureurs parvienne à se former, avec des noms comme Magnus Cort, Tim Declercq et Imanol Erviti. Ce groupe prend rapidement plus de deux minutes d’avance sur un peloton nerveux, où les équipes des favoris contrôlent le rythme.
Chapitre 2 : Les premiers tournants du Paris Roubaix 2016
À 115 kilomètres de l’arrivée, un premier incident majeur secoue la course : une grosse chute dans le peloton. L’équipe Etixx-Quick Step de Tom Boonen profite de l’occasion pour accélérer le rythme, provoquant des cassures. Fabian Cancellara et Peter Sagan, piégés à l’arrière, se retrouvent distancés. À l’entrée de la mythique Trouée d’Arenberg, à 93 kilomètres de l’arrivée, l’échappée compte encore une minute d’avance sur le groupe Boonen, tandis que le groupe Cancellara-Sagan est relégué à plus de deux minutes.
La course-poursuite s’intensifie. À 82 kilomètres de l’arrivée, Sep Vanmarcke et quelques coureurs rejoignent le groupe Boonen, qui rattrape l’échappée matinale à 60 kilomètres du but. Derrière, Cancellara et Sagan, aidés par leurs équipiers Jasper Stuyven et Yaroslav Popovych, réduisent l’écart à 45 secondes. Mais un nouveau coup de théâtre va bouleverser la course.
Chapitre 3 : Coups de tonnerre sur les pavés
À 52 kilomètres de l’arrivée, l’équipe Sky, qui semblait contrôler la course, est frappée par la malchance : deux de ses coureurs, dont le leader Luke Rowe, chutent lourdement. Quelques kilomètres plus loin, un troisième coureur, Salvatore Puccio, tombe à son tour. Ces incidents relancent complètement la course. À 47 kilomètres de l’arrivée, dans le secteur de Mons-en-Pévèle, Vanmarcke tente une attaque, mais elle échoue. L’écart entre les groupes se réduit à 30 secondes, et l’espoir renaît pour Cancellara et Sagan.
Mais à 45 kilomètres de l’arrivée, un nouveau drame survient : Fabian Cancellara chute lourdement. Peter Sagan, juste derrière, parvient à l’éviter de justesse, mais le Slovaque est épuisé. Cette chute marque la fin des espoirs de Cancellara, qui disputait son dernier Paris-Roubaix. Le Suisse, légende des classiques, terminera sa carrière sans ajouter une quatrième victoire à son palmarès.
Chapitre 4 : Le bouquet final du Paris Roubaix 2016
À l’avant, Luke Rowe, revenu dans le groupe de tête, se met au service de son leader Ian Stannard. Les kilomètres défilent, et les coureurs du groupe de tête commencent à lâcher un à un. À 20 kilomètres de l’arrivée, ils ne sont plus que cinq : Edvald Boasson-Hagen, Mathew Hayman, Ian Stannard, Sep Vanmarcke et Tom Boonen.
À 16 kilomètres de l’arrivée, dans le redoutable secteur du Carrefour de l’Arbre, Vanmarcke place une attaque fulgurante et prend quelques mètres d’avance. Mathew Hayman, qui faisait partie de l’échappée matinale, est distancé, mais il parvient à recoller entre deux secteurs. Après une chasse intense, Vanmarcke est repris, et un sprint sur le vélodrome de Roubaix semble inévitable.
Chapitre 5 : Un dénouement historique du Paris Roubaix 2016
Dans les derniers kilomètres, les attaques se multiplient, mais aucun coureur ne parvient à faire la différence. À l’entrée du vélodrome, Boasson-Hagen est lâché, laissant quatre coureurs se disputer la victoire : Hayman, Boonen, Stannard et Vanmarcke. À 250 mètres de la ligne, Mathew Hayman lance son sprint. Malgré un retour impressionnant de Ian Stannard et un effort désespéré de Tom Boonen, l’Australien s’impose au nez et à la barbe des favoris.
Mathew Hayman, membre de l’échappée matinale, a passé plus de 180 kilomètres en tête de course. Sa victoire est une immense surprise : non seulement il n’était pas parmi les favoris, mais il n’aurait même pas dû participer à la course. Six semaines plus tôt, il s’était fracturé le radius lors de l’Omloop Het Nieuwsblad et avait dû s’entraîner en intérieur pour récupérer. « Comment est-ce possible avec un mauvais entraînement et une mauvaise préparation ? » dira-t-il, incrédule, après la course.
Les réactions et l’héritage
Tom Boonen, qui termine deuxième, voit s’envoler son rêve d’une cinquième victoire record. « Tu le mérites, mec », lance-t-il à Hayman, fair-play malgré la déception. Sep Vanmarcke, troisième, manque également une occasion en or, tandis que Peter Sagan, épuisé, termine à une anonyme 11e place, à plus de deux minutes du vainqueur.
L’édition 2016 de Paris-Roubaix restera dans l’histoire comme l’une des plus imprévisibles et spectaculaires. Mathew Hayman, l’outsider australien, a écrit une page d’anthologie en s’imposant face aux géants du cyclisme. Cette victoire, fruit d’une résilience exceptionnelle et d’une course parfaitement maîtrisée, continue d’inspirer les amateurs de cyclisme. Comme l’a résumé Hayman : « Être physiquement préparé, c’est seulement la moitié de l’équation. J’avais besoin de l’expérience. » Une leçon de courage et de détermination sur les pavés impitoyables de l’Enfer du Nord.