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Le monde du cyclisme et du journalisme sportif français est en deuil. Jean-René Godart, l’une des figures les plus emblématiques des commentaires télévisés et radiophoniques de la Grande Boucle, est décédé ce mercredi 15 octobre 2025 à l’âge de 74 ans. Sa disparition, annoncée par le service des sports de France Télévisions auprès de sa famille, laisse un vide immense chez les passionnés de vélo, mais aussi chez tous ceux qui ont suivi ses interventions passionnées sur le Tour de France, Roland-Garros ou les Jeux olympiques. Né le 10 décembre 1950, Godart avait pris sa retraite en 2018 pour raisons de santé, mais son empreinte sur le paysage médiatique sportif reste indélébile. Retour sur la vie et la carrière d’un homme qui a su transformer les routes de France en épopées radiophoniques.
Jean-René Godart était très fier de ce passage où on l’avait comparé à un « ange gardien » 🪽On le voit en veste rouge à la fois commentateur et acteur du Tour de France. pic.twitter.com/LExxh3F4LU
— guillaume papin (@guillaumepapin) October 15, 2025
Une entrée en scène fulgurante à Europe 1
Jean-René Godart n’était pas destiné à devenir une légende du micro dès son plus jeune âge. Issu d’une famille modeste, il se passionne tôt pour le sport, et plus particulièrement pour le cyclisme, ce sport roi en France des années 1970. C’est en 1974 qu’il pousse les portes d’Europe 1, la radio généraliste alors au sommet de son audience. Embauché comme journaliste polyvalent, il couvre d’abord les actualités sportives variées, des matches de football aux événements athlétiques. Mais c’est en 1982 que sa vie bascule : il est choisi pour commenter son premier Tour de France. Perché sur le tansad d’une moto suiveuse, micro en main, il raconte les exploits des coureurs à des millions d’auditeurs. « À l’époque, beaucoup de gens regardaient les images à la télé et écoutaient la radio en même temps. Cela rendait fou mon ami Patrick Chêne », se souviendra-t-il plus tard avec malice.
Jean-René Godart : Le passage à France Télévisions ; Une consécration télévisuelle
En septembre 1994, Jean-René Godart franchit un cap décisif : recruté par Jean-Pierre Elkabbach comme rédacteur en chef des sports des journaux télévisés de France 2, il intègre le groupe public. L’adaptation à la télévision n’est pas évidente pour cet homme de radio, habitué au son pur et à l’imaginaire qu’il suscite. Pourtant, il s’impose rapidement. Dès 1999, il rejoint pleinement le service des sports de France Télévisions, où il devient commentateur leader. Sur France 2 et France 3, il suit désormais le Tour depuis une moto sons, celle qui capture les bruits du peloton pour les téléspectateurs. Avec Patrick Chêne aux manettes du studio, Godart est l’œil et l’oreille sur le bitume. Ensemble, ils forment un duo complice, immortalisant des moments légendaires comme la victoire de Thomas Voeckler dans le mur de Peyresourde en 2011 ou les ascensions fulgurantes de Chris Froome.
Au total, Godart couvre 33 Tours de France consécutifs, de 1982 à 2015 un record qui le place au panthéon des commentateurs. Mais son talent ne s’arrête pas aux routes de juillet. Il enchaîne 13 éditions des Jeux olympiques, d’hiver comme d’été, où il commente les épreuves de cyclisme sur piste avec la même ferveur. Souvenez-vous des exploits de Félicia Ballanger, Grégory Baugé ou Arnaud Tournant : sa voix, chaude et assurée, accompagnait leurs médailles d’or. Il couvre aussi 21 tournois de Roland-Garros, 9 éditions de l’US Open, 2 Wimbledon et 3 Open d’Australie. Polyvalent, il passe du gravel des courts en terre battue aux vélodromes feutrés, démontrant une culture sportive encyclopédique.

Jean-René Godart en plein commentaire
Une retraite forcée et une lutte silencieuse contre la maladie
Malgré une carrière au sommet, les ennuis de santé guettent. En 2015, après son dernier Tour, Godart s’efface de l’antenne. Les raisons ? Un virus rare au larynx, une affection qu’il compare avec humour à celle qui a cloué Céline Dion au silence pendant 17 mois. « Et ils ont découvert que j’avais un virus au larynx. C’est très rare. Si je vous donne le nom de la personne qui a eu la même chose, exactement la même chose et qui s’est arrêtée pendant dix-sept mois de chanter… C’est Céline Dion » confie-t-il dans une interview.
Formidablement soigné à Paris, il entame une rééducation acharnée, mais la voix, son outil de travail, reste fragilisée. Le 31 décembre 2018, à 68 ans, il tire sa révérence de France Télévisions, où il était devenu rédacteur en chef de Tout le sport. Officier de l’ordre national du Mérite depuis 2011 (chevalier en 1995), il est salué par Laurent-Eric Le Lay, directeur des sports : « France Télévisions salue la mémoire de Jean-René Godart, grande voix du sport et figure emblématique du journalisme sportif français ».
Hommages unanimes à Jean-René Godart : Un deuil partagé sur les réseaux et dans les rédactions
La nouvelle de sa mort, survenue ce matin du 15 octobre, suscite une vague d’émotion. Sur X (anciennement Twitter), les hommages affluent. « C’est avec tristesse que nous apprenons le décès ce mercredi 15 octobre du journaliste sportif français Jean-René Godart à l’âge de 74 ans. Il a été de nombreuses années, la voix du Tour de France », tweete Alain Salvar.
Papou M, un observateur attentif, se remémore : « ‘Chute à l’arrière !’ Décès de Jean René Godart, le journaliste sportif, spécialiste du vélo et prince du Tour de France, nous a quitté à l’âge de 74 ans. Ce monsieur m’a fait aimer le Tour ! ».
Europe 1, sa maison mère radiophonique, publie un extrait émouvant de son commentaire lors de la victoire de Yannick Noah à Roland-Garros en 1983.
Ces réactions unanimes tracent le portrait d’un homme respecté, dont la passion communicative a transcendé les générations. Bernard Hinault, qu’il a tant chroniqué, pourrait dire comme Anquetil l’a fait pour son livre : un témoignage d’amitié et d’admiration.
Jean-René Godart : Un héritage qui pédale encore
Jean-René Godart n’était pas seulement un commentateur ; il était le poète des routes sinueuses, le gardien des légendes jaunes. À travers ses 33 Tours, il a vu le cyclisme muter : des dopages aux scandales, des victoires françaises aux dominations étrangères, des vélos en acier aux machines high-tech. Pourtant, sa voix gardait intacte la magie d’une échappée solitaire sous la pluie normande ou d’un sprint final sur les Champs-Élysées. En couvrant Roland-Garros, il a vibré pour les lifts de Yannick Noah ; aux JO, pour les sprinteurs tricolores sous les anneaux olympiques.
Sa mort, après une longue maladie évoquée par ses proches, nous rappelle la fragilité des voix qui nous accompagnent. Mais comme un coureur qui repart après une crevaison, son legs perdure. Dans les archives de France Télévisions, dans les pages jaunies de ses livres, dans les souvenirs des fans. À sa famille et ses proches, nos pensées les plus émues. Et pour le Tour de France, qui s’élancera en juillet 2026, une seconde de silence en mémoire de celui qui, du haut de sa moto, a fait battre le cœur de la France. Reposez en paix, Jean-René. Vos échappées nous manqueront, mais vos échos résonneront toujours.